L’éternel observateur de la société iranienne, Kiarostamie ne cesse de renouveler, d’innover. Avec Ten, il nous livre un film dont la puisse des paroles est au comble. Afin d’accentuer la force des dialogues sur lesquelles repose presque entièrement le film, Kiarostamie opte pour un dispositif de mise en scène réduit au minimum pourtant jamais simpliste (plan séquence et champ- contre champ). Dix séquences se succèdent de manière chronologique dans un espace scénique unique - l’habitacle du véhicule.
Ici le cadre de Kiarostamie est matriarcal en excluant tous les hommes (hors champ ou représentés par une silhouette anonyme en arrière plan) – l’enfant sera le seul personnage masculin, pourtant exaspérant et irascible dont l’arrogance va jusqu’à ce que la mère soit bannie de son champ sacré (première séquence).
Deux caméras, deux champs, deux miroirs, deux tableaux, des portraits s’érigent, une harmonie subtile du cadre s’installe, dont la destruction constitue le moment magique et sublime du film : quand la main tendue de la conductrice franchit le confins (physique et sentimental), « envahi » le champ intime de son amie pour lui caresser le visage.
Kiarostami déconstruit et retisse dans un espace restreint, mais ouvert aux émotions, les ficelles du réel pour mieux creuser la part d’humanité. En dehores de on cadre, c'est le réel brut qui coule. Ten bouleverse et provoque.
A Kiarostamie, l’ultime dompteur du regard.